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  • Photo du rédacteurRhéa-xion

La justice dans la peau

Dernière mise à jour : 11 déc. 2020


Je ne fais pas partie de cette vague de nombreux sériephiles atteints du syndrome Netflix en phase terminale, de ces néo-junkies addicts aux intrigues innombrables et infinies que nous offre la plate-forme rouge et noire et dont je serais incapable de comprendre où ils parviennent à trouver le temps d’assouvir leur boulimie d’épisodes. Pour rester dans la comparaison du toxicomane, je m’apparente plutôt à celle qui teste cette drogue, lors d’une soirée, occasionnellement, pour voir ce que ça fait et potentiellement passer un bon moment. A vrai dire, je m’accommode plus facilement du visionnage d’un film, unique et compact, un « one shot » si l'on peut dire, que d’une série, qui je l’avoue, est pour moi une action bien trop engageante et contractuelle. C’est pourquoi, il m’arrive parfois d’entamer une série qui m’avait fait de l’œil, puis de la laisser sur le bas-côté après à peine trois épisodes, lâchement et sans scrupule, n'ayant pas été suffisamment convaincue et charmée pour lui laisser la chance de se marier avec moi. Mais ce serait mentir que de dire qu’il ne m’est jamais arrivé de me laisser absorber, engloutir pour être plus exacte, par quelques séries devenues pour moi les élues d’entre les milliers de prétendantes qui peuplent notre chère terre promise qu’est Netflix. Aussi incroyable que cela puisse paraître, après Captive, une mini-série sortie en 2017 qui n’avait pas eu le temps de dire «ouf » que je lui avais déjà passé la bague au doigt, Unbelievable parue en 2019, a su faire partie de l’élite.

Ce n’est peut – être pas un hasard si ce sont visiblement surtout les mini-séries qui réussissent à captiver mon attention jusqu’à la mention « The End ». D’abord, en haut de la falaise, le précipice paraît moins profond. Une seule saison pour six ou huit épisodes seulement, ce n’est pas le bout du monde. Le risque de noyade est moins engagé. Mais est-ce vraiment la taille qui compte ? Vous l’avez compris, loin de moi la prétention de me positionner en tant qu’experte en séries, mais il me tient quand-même à cœur d’oser critiquer certains producteurs ( dont je serais incapable de citer les noms) qui profitent d’un certain succès pour allonger la sauce. Et cela n’apporte pas toujours du bon, j’en suis profondément convaincue. Pour autant, je suis prête à admettre que certaines d’entre elles méritent de prendre le temps de s’écouler le long du fleuve, tranquillement. Et parfois, Netflix n’y est pour rien. Mention spéciale pour Un Village Français, qui compte sept saisons et dont aucune miette ne m’a échappée. Véritable chef-d’œuvre addictif et instructif, je ne cesserai, au grand jamais, de la recommander. Les Français ne sont pas les vilains petits canards du cinéma !

Mais ce n’est pas de la France que je suis venue vous parler ici, mais bien de ces américains, qui dans l’abondance productive extrême et quelques fois douteuse, dont ils sont maîtres, savent très bien nous servir du caviar.

C’est donc sur Unbelievable que je vais m’attarder, dans l’espoir de vous donner l’envie irrépressible d’y jeter un œil (que je vous conseille de récupérer après, c’est toujours utile.) Celle – ci est inspiré d’un fait divers paru dans un article américain en 2015, An Unbelievable Story of Rape, auquel je ne recommande pas la lecture avant d’avoir visionner la série au risque de connaître l’histoire dans les moindres détails puisque la fiction reprend très fidèlement la réalité. Qu’on se le dise dès à présent, bien qu’elle ne soit pourtant pas totalement dénuée d’un certain humour parsemée subtilement ici et là, ce n’est pas avec cette série que vous allez vous changer les idées noires qui vous tourmentent, un soir de déprime solitaire pluvieux et orageux.

Entrons maintenant dans le vif du sujet : Marie Adler, une jeune femme de 22 ans qui semble faire dix ans de moins que son âge, a été violée une nuit, bâillonnée et attachée, par un homme masqué, entré par effraction dans son nouvel appartement. Après avoir déposé une plainte contre X, la police décèle dans son témoignages quelques incohérences qui vont pousser la jeune femme à avouer que cette histoire n’était en fait que pure invention de son esprit. Son caractère sauvage, réservé et insaisissable est la conséquence d’une douloureuse enfance mouvementée par les incessants changement de famille d’accueil, d'où elle aurait tantôt subits quelques abus et violences après avoir, semble-t-il, été abandonnée par ses parents. Une fois son aveu signé noir sur blanc, l’affaire est classée sans suite dès le premier épisode… Et non, vous n’en saurez pas plus concernant l’intrigue ! Finissez, si le cœur vous en dit, la lecture de mon humble article et lancez la série, chaleureusement accueilli par le doux et mélodieux « Ta Daaam ! » de la plateforme Netflix. Si traiter le sujet de l’agression sexuelle à l’aube du phénomène actuel « #MeToo » qui sévit dans les médias et sur les réseaux sociaux, n’est pas chose inattendue, elle était pour le moins attendue au tournant, armes et points critiques prêts à dégainer au moindre faux pas. Mais que nenni ! Point de faux pas à l’horizon, mais un sans faute bien maîtrisé, que l’on peut dors et déjà attribuer aux acteurs principaux, qui manient leur jeu avec talent. La sincérité des deux inspectrices interprétées par Toni Colette, dont on a pu voir les exploits dans le récent long métrage d’épouvante Hérédité (2018) et Merritt Wever, que je viens personnellement de découvrir, menant, en parallèle, un combat acharné pour retrouver l'identité d'un violeur en série qui sévit dans la région, font vivre cette fiction comme si nous y étions. Ces deux femmes aux mœurs et aux caractères opposés mettant à profit leur compétence, que l'on voudrait nous même félicité d'une poignée de main ferme et sincère tant leur implication est nécessaire dans ce genre d'affaires trop souvent malmenées, forment un duo exemplaire et attachant.

Toni Colette et Merritt Wever dans le rôle des deux inspectrices.

Kaitlyn Dever, qui joue Marie Adler, n’est pas moins douée d’un excellent jeu d’acteur qui, dès le premier épisode, tiraille le spectateur entre profonde empathie et méfiance accusatrice. Ses airs d’adolescente encore ancrée dans l’enfance, naïve et irresponsable activent tout de go notre instinct parental et protecteur tout en se gardant de cet air innocent qu’est capable de prendre un enfant en manque d’attention, pris sur le fait. Dès le premier épisode nous sommes plongés dans la description clinique et froide des affaires de viols traités par la police et les laboratoires. Nous suivons les procédures judiciaires et médicales que doit subir Marie après avoir déposé son témoignage. De gros plans sur son visage, tirant la langue pour un prélèvement salivaire, ou sur son visage crispé par la gêne occasionnée d’un prélèvement vaginal, sont d’un réalisme prenant. Bien qu’ayant dramatisés le récit, les réalisateurs savent concerner le spectateur et l’emmener dans la dure réalité qui demeure aussi dans ce genre de détails dérangeants.


Kaitlyn Dever alias Marie Adler

D'autre part, l’écriture des personnages est de très bonne facture, les stéréotypes et lieux communs ne sont pas les bienvenus dans cette sérieuse histoire. La série évoque les thèmes fondamentaux du choix, du sentiment d’injustice, de la solitude, la colère et la vengeance. La complexité des personnages est si bien dessinée que nous les comprenons ( presque ) tous. Nous ressortons de là, satisfaits et comblés par cette œuvre complète qui a su toucher des émotions profondément humaines.

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