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  • Photo du rédacteurRhéa-xion

Tuning et peau meurtrie


Attention, critique avec spoils !


Il fallait bien une nouvelle sortie cinéma au nom de Julia Ducournau pour me faire remettre le pied à l’étrier et faire revivre le blog sous les feux d’un nouvel ovni filmique à la hauteur de toutes mes attentes !


Après Grave, en 2016, métrage marquant dans la chronologie de ma cinéphilie encore naissante à cette époque, il me tardait déjà de voir ce que Julia sortirait de ses tripes, de son ventre, comme un deuxième bébé pour son second futur long métrage. Et ce n’est rien de le dire. La scène finale christique de Titane, m’a laissé ce gout jouissif de l’accouchement d’une œuvre d’auteur, qui prend place dans une filmographie encore jeune et fraiche, mais pas moins forte d’une personnalité marquante, à travers des thèmes qui semblent s’imprégner toujours d’avantage à son fil rouge filmographique.


Je suis allée me ruer dès le premier matin de sa sortie dans une salle obscure du plus grand multiplex de France, à savoir le cinéma UGC des halles à Paris, sans trop savoir dans quoi j’allais m’embarquer, hormis les souvenirs d’un Grave que je connais par cœur et le visionnage d’une bande annonce, très attrayante je dois dire mais ô combien incompréhensible !

Ne vous fiez pas trop aux bandes - annonce des films de Julia Ducournau ( oui je peux maintenant parler au pluriel). Les producteurs, sont sans doute aux commandes d’un trailer commercial, sans réplique, cachant volontairement le fond de ses films, faisant croire, tantôt à un film d’épouvante pour Grave tantôt à un film d’action pour Titane.


J’y suis donc allée les yeux fermés, mais très confiante, sachant à peine de quoi le film traiterait.


Titane, c’est l’histoire d’Alexia, une jeune danseuse pour les salons d’automobiles. Enfant, victime d’un accident grave de voiture, elle se fait implanter une prothèse en titane dans le crâne. De là, opère la magie du fantastique. Car si Grave est bel et bien ancré dans le genre, l’aspect fantastique était encore timide et plus subtile que dans Titane, se cachant brillamment derrière une comédie légère.


Titane fait sans aucun doute référence à la propre cinéphilie de l’auteur, et nous ne pouvons pas passer à côté du film Christine de John Carpenter et encore moins de Crash de David Cronenberg en observant Alexia coucher avec sa propre voiture. Oui oui !!



Après cette dernière phrase qui pourra en dérouter certains, les bases sont jetées.


Garance Marilier, ne quitte jamais la caméra de Ducournau, et si dans son court – métrage Junior, elle interprète une pré – adolescente garçon manqué qui découvre son corps dans ce qu’il a de plus écœurant lorsque la puberté pointe le bout de son nez, ( si ce n’est la puberté elle-même qui se dépose sur le bout du nez… ),

et que dans Grave elle interprète le rôle principal d’une adolescente, végétarienne qui observe son corps changer au point de devenir cannibale,

elle laisse dans Titane le premier rôle à Agathe Rousselle, mais intervient quand même en second plan pendant toute la première partie du film.

Et comme pour faire suite à l’évolution d’un corps de femme qui change depuis l’enfance à l’état adulte, Alexia dans ce dernier film, subit aussi son propre corps, en en faisant naître un nouveau.

Evidemment, ce ne serait pas du Julia Ducournau, si vous pouviez regarder le film sans avoir quelques frissons de dégout ou de répulsion.

Le corps est toujours l’un des personnages principaux de son univers et il se fait souvent maltraiter pour en dévoiler toutes les complexités physiques. Qu’il se fasse gratter jusqu’au sang, noir ou rouge, par les propres ongles de son propriétaire dans Grave ou dans Titane, mangé, brulé, écorché, percé, arraché,… Il est toujours mis à rude épreuve et dévoile ainsi une des problématiques principales des films de la réalisatrice : la métamorphose du corps féminin. ( Mais pas que !)


« Mais pas que », car Vincent, interprété par Vincent Lindon, autre personnage central de l’histoire qui interviendra dans la deuxième partie du film, est un sapeur-pompier proche de la retraite endeuillé par la disparition de son fils, qui s’injecte quotidiennement des piqûres de testostérones et tente de maintenir son vieux corps en forme par des exercices sportifs qui lui sont de plus en plus difficiles à accomplir. Toute sa masculinité est mise à l’épreuve et Ducournau n’hésite pas à pousser les effets esthétiques d’une virilité excessive mise en contraste avec celle d’Alexia.




Après avoir commis une série de meurtres impulsifs, dirigés semble t – il par le dérèglement psychologique qu’à commis le traumatisme de l’accident de voiture de son enfance et la prothèse en Titane avec la quelle elle doit vivre depuis, en tant qu’être de chair et de métal, elle se réfugie dans l’identité du fils disparu de Vincent pour devenir son fils retrouvé, Adrien ! Et c’est encore l’occasion de faire naître une métamorphose corporelle, bien qu’artificielle, puisqu’elle se travestie pour cacher sa propre identité désormais recherchée par les forces de l’ordre. Mutilation de sa chevelure, compression de sa poitrine et de son ventre maternant, elle devient le sapeur-pompier junior inespéré de Vincent, sous l’aspect d’un jeune garçon maigre, imberbe, encore impubère.


Une identité de genre malmenée pour ce personnage mi femme – mi monstre de métal dans la peau d’un jeune homme qu’elle ne connait pas. Là où la mise en scène se concentre merveilleusement sur la sensorialité brutale du corps de la chair et du métal, par le biais de scènes torturantes et sombres, esthétisées par un travail d'ombre et de lumière maitrisé et léché et une bande originale allant de musiques electroniques modernes, à quelques musiques rétro jusqu'au chant choral religieux de Jean Sébastien Bach pour cloturer l'apothéose d'un final prophétique inatendue, le scénario peut parfois se mettre à l'écart pour dévoiler quelques aspect narratifs non expliqués. Il est en effet difficile de comprendre certains actes du personnage principal et si cela peut déranger, j’ai préféré me laisser happer par les symboliques multiples d’un film qui ne cherche pas à raconter quelque chose de l’ordre du compréhensible mais plus à laisser la trace indélébile d’une patte artistique puissante, à offrir au spectateur une atmosphère au détriment d’une narration classique en mélangeant des problématiques de transhumanisme et de genre.


Par sa volonté d'emener le spectateur en territoire inconnu, en déjouant les codes narratifs et les habitudes scénaristiques et visuels dont le cinéma français est bien trop souvent ancré, attaché, Julia Ducourneau a su encore une fois me donner des arguments en béton ( et en titane!) sur la qualité de son cinéma, dont la Palme D'or reçue tout juste hier, est selon moi de tout mérite.

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